samedi 22 septembre 2018

88. ENCYCLOPÉDIE : LA MÉMOIRE DES VAINCUS

     Du passé nous ne connaissons que la version des vainqueurs. Ainsi on ne connaît de Troie que ce qu'en racontaient les historiens grecs. On ne connaît de Carthage que ce qu'en racontaient les historiens romains. On ne connaît de la Gaule que ce qu'en racontait Jules César dans ses Mémoires. On ne connaît des Aztèques ou des Incas que le récit des conquistadores et des missionnaires venus les convertir de force.
     Et dans tous les cas les quelques talents prêtés aux vaincus ne sont là que pour glorifier le mérite de ceux qui ont su les anéantir.
     Qui osera parler de la " mémoire des vaincus " ? Les livres d'histoire nous conditionnent à l'idée que, selon le principe du darwinisme, si des civilisations ont disparu c'est qu'elles étaient inadaptées. Mais en examinant les événements on comprend que ce sont souvent les plus civilisés qui ont été détruits par les plus brutaux. Leur seule " inadaptation " consistait à croire aux traités de paix, dans le cas des Carthaginois, et aux cadeaux dans le cas des Troyens (ah ! l'apologie de la " ruse " d'Ulysse qui n'était qu'une perfidie aboutissant à un massacre nocturne...).
     Le pire est peut-être que, non seulement les vainqueurs détruisent les livres d'histoire et les objets de mémoire de leurs victimes, mais qu'en plus ils les insultent. Les Grecs inventeront la légende de Thésée vainqueur d'un monstre à tête de taureau et dévoreur de vierges pour légitimer l'invasion de la Crète et la destruction de la superbe civilisation minoenne.
     Les Romains prétendront que les Carthaginois faisaient des sacrifices à leur dieu Moloch, ce qui, on le sait maintenant, était complètement faux.
     Qui osera jamais parler de la magnificence des victimes ? Les dieux, peut-être, qui savent la beauté et la subtilité des civilisations disparues sous le feu et le glaive...
     
     Edmond Wells,
     Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, Tome V.
   

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