samedi 22 septembre 2018

66. ENCYCLOPÉDIE : FOURMIS


     Les fourmis sont sur Terre depuis cent millions d'années, les hommes depuis tout au plus trois millions. Depuis cent millions d'années, les fourmis construisent des cités de plus en plus importantes, allant jusqu'à ériger des dômes contenant des dizaines de millions d'individus.
     Mais si l'on examine leurs options, elles nous apparaissent pour l'heure très exotiques. En premier lieu, les fourmis sont pour la plupart asexuées. Seule une infime partie de la population se reproduit : les princesses et les princes. Ces derniers mourant de plaisir au moment de l'acte nuptial, la cité ne compte bientôt plus aucun mâle. Il n'y a ensuite qu'une seule reine pour rester à pondre. Informée en permanence des besoins de la cité, elle fournit exactement la quantité et la qualité d'individus nécessaires à sa société. Chacun naît donc avec une fonction définie à l'avance. Il n'existe pas ici de chômage, pas de misère, pas de propriété individuelle, pas de police. Il n'y a pas non plus de hiérarchie et de pouvoir politique. C'est la république des idées. Quels que soient son âge et sa fonction, chacun peut proposer une idée à l'ensemble de la cité. Il sera suivi en fonction de la qualité de celle-ci et des informations qu'il apporte.
     Les fourmis pratiquent l'agriculture. Dans la cité, elles cultivent des champignons. Elles connaissent l'élevage. Elles font paître des troupeaux de pucerons dans les rosiers. Elles fabriquent des outils, telle la navette qui leur permet de coudre des feuilles entre elles. Elles ont des notions de chimie puisqu'elles utilisent des salives antibiotiques pour soigner leurs larves et des acides pour attaquer leurs ennemis.
     En matière d'architecture, les cités des fourmis prévoient l'aménagement de solariums, de greniers, d'une loge royale, de champignonnières.
     On aurait cependant tort de croire que, dans la fourmilière, tout le monde travaille. En fait, un tiers de la population paresse, dort, se promène à loisir. Un autre tiers vaque à des occupations inutiles, voire gênantes pour les autres, entreprenant par exemple la construction d'un tunnel qui en fera crouler un autre. Le dernier tiers, enfin, répare les erreurs des précédents, bâtit et gère vraiment la cité. Et au final, cela fonctionne.
     Les fourmis font la guerre, mais lors des batailles, toutes les fourmis ne sont pas contraintes de combattre. En revanche, toutes sont soucieuses de la réussite collective de la cité. Cela leur importe plus que leur réussite personnelle.
     Lorsqu'une cité a épuisé le gibier environnant, elle se déplace en son entier. Les citoyens migrent pour reconstruire ailleurs. Il se crée ainsi un équilibre entre la fourmilière et la nature qui fait qu'elle ne détruit rien et contribue au contraire à l'aération du sol et à la circulation des pollens.
     Les fourmis fournissent un exemple d'animal social qui a réussi. Elles ont colonisé pratiquement tous les biotopes, du désert au pôle Nord. Elles ont survécu aux explosions nucléaires d'Hiroshima et de Nagasaki. Elles semblent fonctionner sans se gêner entre elles et en parfaite symbiose avec la planète.
     
     Edmond Wells,
     Encyclopédie du Savoir Relatif et Absolu, Tome V.
   

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